Raphaël Heyer participe au projet Apprendre à voler initié par la Compagnie Ostranenie (Strasbourg) et coordonné par Gilles Evrard.
Ci-dessous le texte écrit et donné par R.H. :
Maintenant j'aimerais savoir pourquoi
il ne se passe pas rien ici, pourquoi
on dirait qu'il ne se passe pas
rien, chose étrange, ici,
chose qui nous relie,
nous relie l'un à l'autre
et très au-delà
de ce qu'on aperçoit
en-deçà de soi,
en dessous d'ici,
en ici dessous,
dessus ici dessous,
de qui de quoi de vous
de cul de queue de tout...
Les visages les visages
me sautent à la figure
avec les traits fauves
de la vie qui les prend.
On peut réciter le désastre par coeur et à la lettre.
Infinie région de la poussière.
Infinie région de la poussière.
Commettons le séisme.
Le corps est si terriblement précaire qu'un seul mot peut le tuer.
Chaque soir il s'en rend compte.
Un peu plus, un peu moins, il s'en rend compte sans mesure.
Commettons le séisme.
Corps d'oeil devient dieu, lieu sans lieu, il projette, il dit.
Le lieu dieu commence où on ne l'attend pas.
Le lieu dieu commence où dieu n'existe pas.
Commettons le séisme.
On peut réciter le désastre par coeur et à la lettre.
Les massacres que la guerre capitalise
pour en poursuivre l'industrie,
la monnaie qui arme la mort
(fonction d'ajustement en valeur relative).
Commettons le séisme.
On a tout cru, tout inventé, reste
à concevoir ce qui reste du soleil,
cette étendue à peine troublée - de l'ambre sur la rétine.
Commettons le séisme.
Le ciel hagard nous jette en sa circonstance.
Il invite d'abord l'infini à pénétrer le regard
avant qu'il ne succombe - la viande en haleine, rêvée
puis bouffée,
la peau tannée, le sang
séché, la goutte
de mort, une tête
tranchée au coin
d'un trottoir et qu'on jette
à la poussière dans une rue
de Syrie. Ton oeil
est une caméra dans le noir
qui filme des jours d'horreur.
Vider la bouche pleine,
unir au souffle les lieux égarés,
connaître leur intelligence, et s'y retirer ;
il faut remuer le qui-vive - debout, trait d'union,
nulle autre part, nulle autre part, nous allons en finir.
Le grand silence nucléaire -
Commettons le séisme.
Fukushima le dernier ours blanc -
Commettons le séisme.
Ils couvrent le bruit des armes
qui mugissent en enfer
et l'enfer ici-bas
n'a pas d'autre parterre.
Depuis quand vivons-nous dans ce charnier ?
Depuis quand vivons-nous dans ce charnier ?
Allons au mot à la racine, à travers la toile humaine abandonnée sous le ciel.
Allons au lieu dieu, allons au lieu dieu, au lieu dieu, au lieu dieu...
Et je vous rappelle que "en raison de l'indifférence générale, demain...
est annulé". Alors tant qu'il est aujourd'hui...
Apprenons à voler.