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Les Veines du Silence (inédit)


 

les veines du silence

 

par Raphaël Heyer

 

 

 

 

 

 

Ce théâtre commence toujours dans l’obscurité

et avant, dans la nuit noire, un désir à vide.

 

L’obscurité doit se prolonger

afin qu’à l’instant où elle disparaît,

on ressente que l’on y plonge.

 

Chute libre – un cosmos.

Métamorphoses de la langue.

 

 

 

 Les Veines du silence a été créé le 28 juin 2002 à Strasbourg, salle du Molodoï, sur une mise en scène de Raphaël Heyer, avec les participations de : Gilles Evrard (1ère voix), Claire Deutsch (2nde voix), Jean-Baptiste Estadieu (chant), David Ott (1er protagoniste), Madeleine Turcaud (2nde protagoniste), Chloé Peter-Weiss (3e protagoniste), Jérémie Eschbach (timbales) et Jonathan Bauer (guitare, trompette).

Table

 

0. Prologue – (Premier espace ; noir) 7

1. Le défi vibrant – (Une lueur) 11

2. La grande nuit – (Deux lueurs) 13

3. Le dernier jour  – (Trois lueurs) 14

4. Le flot – (Quatre lueurs) 16

5. Les métamorphoses – (Cinq lueurs) 19

6. L’assemblée absolue – (Six lueurs) 21

7. Le chant – (Sept lueurs) 22

8. Exode – (Deuxième espace) 27

 

 

0. Prologue – (Premier espace ; noir)

 

Les veines du silence, et tout le jour

des coups sourds contre le mur aveugle

d’une chambre au fond de l’impasse

de l’ancienne taverne de l’ange.

 

À la surface de l’eau du bain,

une kyrielle de crasse,

l’étourdissement humide.

 

Au domaine, on franchit des pas de portes,

ici dominé ici dominant,

du flux tirant l’influence, le creuset magique

des transes lamentées de la langue morte

contorsionnée derrière les dés d’ivoire.

 

Les mots soignent en l’ouvrant

la plaie qu’ils remuent

 

et le retranchement sans écho

s’étend sur l’espace.

Ne pars pas – reviens.

 

Elle atteint  la vitre sous le front le regard ;

attend que son reflet s’y dessine découvert.

 

Bien sûr les sens fusionnent

dans l’absurde foison de leur étreinte ;

section d’Ombilic/Pansement/Nombril enfin,

spirales enchevêtrées dans la raide

élastique musculaire.

 

Une à une tu chevauches

les dalles carolingiennes de la cité.

Tu gravis le mouvement

où l’essence du mouvement te perche,

ce point de douleur ancienne,

désir qui endure ;

il n’y a pas de propriétaire ; ni de toi

ni du reste du vol.

 

Traverse une brèche dans le mur invariant,

attaque le vieux jour, pendant qu’il s’éternise

avec l’incendie du sanglant occident

devant l’Est qui sombre.

 

“ Jamais le silence ne se fait. Jamais le silence n’est rompu. ”

 

Le fond de mer ne cesse de fumer.

Emergence islandaise à perte de vue.

 

La mer ne se contient,

ne peut pas être rompue,

c’est une corolle d’eau du silence des pierres.

 

Une touffe de poil sur l’arbre de foudre.

 

D’abord la terre ; nue et flamme, nuées de soufre et

la couleur des volcans.

Puis la mer, l’ubiquité de l’eau. L’étroite

émergence enfin.

 

Quand la voix tremble un peu.

 

Panoplie de deuils et de monstres aussi, et

l’inconnu des grottes inouïes.

 

Le sourd, l’inouï, l’absurde.

Les êtres à ce cataclysme.

L’impossible usage.

Le mythe.

Les êtres du mythe.

 

Quelques plumes ont fait

la profondeur sans idée de l’histoire,

 

ce à quoi nombre de peuples rechignèrent

à se conformer ;

crainte de perdre l’étreinte libre et distincte

de leur monde,

l’énigmatique, inconcevable mutisme

de l’homme qui se penche,

attendant son heure pour se mouvoir

et commettre l’acte.

 

Tu lui diras, l’Alsace et Tihuanaco

– Ah ! Et les grands fonds ! Oh !

 

1. Le défi vibrant – (Une lueur)

 

Os orange culminant sur l’Ouest

baigne dans le crâne des cieux,

avalé au faîte des feux,

aveuglante origine de la vision

– un vieux miracle végétal.

 

Nappe surgie de l’étourdissant voyage.

Feuille blanche dans la nuit d’encre

clôture l’effort surface de rien.

 

Tendre respir, ver au secret,

au fond des herbes hautes du marécage

– on ramasse un souvenir ;

certains de nos compagnons n’ont pas voulu

escalader l’enceinte irisée du vrai cimetière,

où reposent les dépouilles

de nos rêves inconnus ;

ils se réclament des mères

de Minos et Vespucchi.

 

“ Avez-vous défié votre lieu,

planté dans votre œil le défi vibrant ? ”

Criait le fou sorcier

dont nous avons quitté le théâtre,

gagnant les régions de l’écho

jusqu'à écarter le silence,

égarer l’écoute.

“ Venez chez moi ! ”

2. La grande nuit – (Deux lueurs)

 

La Nuit est la Scène,

comme le chant se succède.

L’illusion drape le dérisoire linceul déployé.

La mer, la nuit et les histoires.

 

La lueur dans les regards qui se séduisent,

lointains, et qui soudain vont hors du temps

avec la lenteur des dieux se jeter

dans le silence, dans la chaude Nuit ibère

qu’ils incarnent.

3. Le dernier jour  – (Trois lueurs)

 

Se peut dire exactement le silence

si cela se tait, et saisir l’ange

à son insu –

seulement des anges qui s’écrasent,

la façon dont ils bafouillent,

écorchés d’étoiles.

 

Parmi le choeur des sirènes du Nord

Leurs méduses toujours plus lointaines,

La caresse de leur souffle qui siffle parfois

Au cœur de l’ouïe ainsi que la brûlure de la glace.

 

Dans la cité instable garou c’est encore le dernier jour...

 

Avant le jour ... 

 

S’inscrivant sur les frontons privés

du transport éphémère ;

Mais que cela danse encore, soit éprouvé,

et viens à oindre !

L’arche du jour est l’essai perpétuel

de la vie de nuit

à se rompre dans le jeu crucial des formes

de sa dévoration.

 

Son si simple verdict !

 

Mots pour hommes de parole,

Mots pour sans parole,

La langue notre aimant,

NOUS FAIT LA LIMAILLE !

LA LIMAILLE AUX ENTRAILLES !

4. Le flot – (Quatre lueurs)

 

Tout et le flot.

Désir ! Diamant brut !

Diamant de la volonté !

 

Et le flot,

Furie, image totale,

Insaisissable.

 

Le mythe se crée,

Le mythe des gueules secrètes

De l’ordre du flot.

 

Et le flot,

Char amer, alluvion d’estuaire,

Grains de la douleur de naître à s’engloutir.

 

Fixant la rive changeante

Et le flot,

Désir fendu.

 

Se rompre

Et le flot,

Convulsé désir

 

Brûle

Œil mains germe, les pieds à terre

Capturés dans l’inconscience.

 

Inéluctable flot,

L’acte inéluctable

Qui fend le jour en sa lumière et emporte tout.

 

Qui sont ces visages qui inquiètent

Au bord de l’inépuisable ? Vagabondants, perdus.

Ont-ils vu la mort de leur sœur, l’épouse du soleil ?

 

Dans le fracas sombrent – purs !

S’engloutissent, amants de la nuit sans détour,

vaste et constellée !

 

Les visages de la même

obscure et subtile forme

qui avait crié la jouissance

dans la lisse noirceur des langues du serpent,

la carapace du scarabée.

 

J’entends les chants dans la poudre du silence.

J’entends les chants dans la poudre du silence.

Le soleil brûle et embrasse tout son royaume.

5. Les métamorphoses – (Cinq lueurs)

 

Quelque chose de transpiré se transforme

Dessus la terre,

Dessous le ciel,

Où se fait leur hauteur,

Où l’homme chevauche, où domine la femme,

Douleur indésirable, altitude consanguine ;

Le seul endroit vêtu sur la nudité

Qui ne se dénude plus, intouchable joie ;

Sinon par spasmes, titube et coïncide ;

Ton sexe, mon sexe sec, les sexes figures,

Le matricule répété du temps

Qu’il est participé de la marée.

 

Le mystère chaud et liquide ne se nommait pas

L’océan primordial, ne se nommait pas

L’utérus, quand doucement, de la boucle d’un geste

Surgit l’étrange spontanéité du flot à plonger

Dans l’infinité de son chaos, à créer de l’oubli les aubes,

Quand tout à coup, à bout, à l’écartement,

Nous déchira dans l’ardente blessure de l’air,

Le souffle informe qui nous arracha au méplat,

Que nous rendit le sein gonflé, les vignes du sang,

Nourrissant la satiété d’un visage de stupeur

Souriant, un astre aussi dans chaque œil.

 

Tu as la face creuse de tant de sillons.

Tous les pères à ce visage se sont confrontés.

Qu’avons-nous trouvé à redire

devant ce qui fut dit ?

 

Tes yeux en cavale se perçaient de couleurs,

les frondaisons s’échouaient sur l’ardeur de  l’air,

et ta volonté se déhancha.

 

Il a été dit …

 

Que la marque antique sur tes seins, les signes nus

sur l’émergence, du ciel vidait le souffle ;

que l’on trouverait leur dernière offrande

avec l’obscurité de la terre, et le chant sur le ver,

et le bec du caïman, et la mesure de l’iguane.

6. L’assemblée absolue – (Six lueurs)

 

Digère la hauteur du soleil,

la myriade lumineuse ;

éprouve l’origine de la nuit, l’assaut atomique ;

invariance d’échelle : voilà la table infinie

à notre déluge,

infinitésimale provocation

d’une assemblée absolue ;

 

Oui, tout ensemble, tout ensemble, tremble

Et s’assemble, tremble et

S’assemble, tremble et s’assemble,

Rassemble, Assemble et Profère.

SUITE

 

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