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Raphaël Heyer à la Foire du Livre du Locle (NE, Suisse)

Raphaël Heyer sera présent à la Foire du Livre du Locle (NE, Suisse) le samedi 7 septembre 2013 (15-17h) et le dimanche 8 septembre (13-15h), sur l'espace de l'éditeur Hélice Hélas. En ligne : http://www.foiredulivre.ch/

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Apprendre à voler

Raphaël Heyer participe au projet Apprendre à voler initié par la Compagnie Ostranenie (Strasbourg) et coordonné par Gilles Evrard.

 

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Loin du bruit

 

 

La musique inondait son dos

La musique son grain de peau

La musique ses yeux clos

La musique toute entière

Abreuvait son delta

De brumes et de bras

Doux comme la pluie

Longs comme les siècles

Lorsque les oiseaux de mer

D’un cri passèrent

De vie à trépas.

 

 

R.H. - Janvier 2011

La grande Sonia

 

à Sonia Rinaldi.


 

La grande Sonia travaille avec des montagnes,

transforme des volcans, immortalise la lumière

dans les émaux qu'elle répand.

 

La grande Sonia déplace l'immobile,

canalise l'impossible, touche l'intact

à chaque coup de coeur, à coeur battant.

 

La vie peut lui faire fracas - Sonia

la prend dans ses bras ; elle a dans le regard

la densité lucide qui régit les planètes.

 

Vouée sans relâche à tenir bon, à tenir tête

au front des jours, des buses ou des imbéciles,

Sonia toute entière est un amour fou.

 

 

R.H. - mars 2011


Chant du matin blanc

L'oiseau d'un ciel de pluie

Plus haut que toutes les larmes

Là-haut s'est envolé

Et migre au bleu des âmes

 

S'il y eut un printemps

Il y eut un matin

Et des hommes à la hache

Dans la barbe des femmes

 

L'oiseau d'un ciel de pluie

Plus haut que toutes les larmes

Là-haut s'est envolé

Et migre au bleu des âmes

 

A la pluie qui s'évapore

Avant d'être tombée

A l'oiseau dont le cri

Poursuit celui des hommes

 

Ils couvrent le bruit des armes

Qui mugissent en enfer

Et l'enfer ici-bas

N'a pas d'autre parterre

 

L'oiseau d'un ciel de pluie

Là-haut s'est envolé

Comme le sang d'encre

Au fond des matins blancs

 

 

R.H. - 2006

Argentine (une légende urbaine)

Argentine…

2010 - Texte du poémétrage éponyme.

 

Tu as la tête au Nord, les pieds au Sud, une main à l’Est et l’autre à l’Ouest, petite ville courage, toi, jolie petite grande ville, charmante petite vieille ville ; toi qui pointes audacieusement au ciel depuis plus de cinq siècles, fier comme un « I » majuscule, dressé comme un « h » minuscule, le prodigieux clitoris qui fascine le monde entier dès qu’il te regarde ! Ah ! C’est que tu en as vu des sacrées, depuis que Louis XIV t’a mise sous tutelle, et de toutes les couleurs, des mûres et des pas vertes, quand bien souvent on te prit et te reprit par derrière, en te reluquant depuis la colline… Dans chaque ombre que la nuit allumée bombe sur tes murs, je reconnais des rivières qui n’ont plus cours, et les sillons à sec de grandes fontaines de sang, et la chose des hymnes à la joie. Intrépide et gaillarde, tu avais longtemps tenu jalousement ton destin entre tes grosses paluches pleines d’encre et de poudre à canon. Oh, petite ville, petite grande ville, quel est ton nom de nouveau ?

Je n’ai de nom que sur la pointe des pieds…

Tu disparais pendant quoi, cinquante, soixante ans ? Un petit siècle ? Plus aucune mention de toi nulle part. Tu deviens anonyme. Plus aucun écrit ne prononce ton nom. Ou bien tu n’existais plus, ou bien les peaux parcheminées qui auraient pu recueillir le récit de ce temps-là sont passées au feu de l’histoire qui ne se raconte pas, que ne raconte plus que la gueule de reptile béante où tout finit par se taire. Les seules images que l’on devine sont celles que ses yeux projettent, sans jour ni lumière, au-delà de la nuit. Oh, petite ville, petite grande ville, redis-moi ton nom…

- Je n’ai de nom que sur la pointe des pieds…

Tu baignais tes pieds dans un bras du grand fleuve, à l’endroit où il décrivait un arc ; et la pose que tu prenais sur cette rive te donnait ton nom, bien avant déjà que Julius Caesar ne te possédât, et après lui tous les Césars, tous les Augustes, et alii ; sous leur empire, on perpétua le nom, et tu baignais toujours tes pieds dans la rivière, dans un ultime surplomb ; au-delà, tapi dans le monde des marais phréatiques, c’était le grand fleuve qui revenait des Alpes puissant comme un dieu. Tu en scrutais les crues et les mouvements, tu lui vouais un culte, il devenait une frontière ; tu es une fille du Rhin, née sur sa cuisse. Tu te fortifiais, tu t’embellissais, tu parlais vingt langues avec un fort accent du Sud, et tu t’appuyais toujours davantage sur cette rive, d’abord en sentinelle, ensuite en hôtesse veillant au grain sur ton joli carrefour. On te mit face contre terre, et puis l’on te releva, plus forte encore, et tu commenças à t’effronter.

Argentoratou !

Alors Attila traverse le fleuve et ses marais, un jour, avec sa horde à cheval, au galop, et hop ! Irrésistiblement, il te force, te viole, te pille et te ruine, te désosse, te brûle, fout le camp et d’un coup, tu n’es plus que ton ombre, pour peu que tu aies encore une ombre. Dans l’ombre de ton ombre, on cherche alors l’ombre d’une vie, on trouve des âmes en peine et des corps en délire. 451, c’est la fin du monde.

Argen… 

Tu te tais ! Tes ruines abandonnées deviennent des repaires incertains, hantés par la malaria. Le Nord tombe sur la tête du Sud et lui fend le ventre. L’anarchie est totale, le punk est roi ; regarde-moi cette faune de pauvres hères hagards à demi loups, braillant en petites meutes apeurées autour d’une fragile mule, guettant pour fuir ou leur tomber dessus les silhouettes de guerriers vagabonds, d’aventuriers de misère, de spéculateurs de vie et de mort, des bandits de carrefour qui truandent les petits et les grands chemins, tout ce qui peut se nicher dans la capitulation d’une époque, les femmes mutilées monnayant leurs enfants sales, les petits monstres de bas-fonds qui meurent aussi vite souvent que les chiens – la mort est partout, il suffit de se baisser pour la ramasser ; les charognards sont aux anges. Il faut nettoyer ça. Putain, je ne sais plus ton nom, vieille peau de petite ville, j’ai perdu ma langue, dis-moi ton nom !

Crénom de nom, je te le mettrai sur le bout de la langue !

Tous les écrits, s’ils ont existé, qui auraient pu te signaler pendant toutes ces années – combien ? cinquante, soixante ? un siècle ? – sont désormais perdus. En disparaissant, ils nous ont fait perdre la trace de ton existence, mais en fouillant bien dans la chair de ton flanc, on la surprend, ici et là, ultimes écailles d’une vieille mue, éclats épars qu’on tire de la cendre. Tu n’avais pas tout à fait disparu, et chaque printemps enfouissait un peu plus tes murs ébréchés dans la brèche du temps. Tu n’avais pas tout à fait disparu, et il restait la route, la longue route empierrée qui accompagnait le Rhin dans son épopée vers la mer. Il restait la route.

Via strata lapidae, via strata, strata, strata, strata, STRA-TA lapidae !

Ah, te revoilà ! Te voilà la ville d’une route, à présent, renaissant sur le monticule devant la rivière, dans un nouveau sabir, Strateburgo ; celui qui a la main sur toi contrôle la route. Et te voilà deux fois née, et le vin coule à flots, et tu enivres à nouveau l’histoire, et le temps passe, et le temps fuit, et tu grandis, tu te condenses, tu deviens puissante, tu domptes la rivière, peu à peu tu prends pied sur l’autre rive, l’incertaine, et tu terrasses, tu creuses, tu assèches, tu irrigues, et du Rhin bientôt tu atteins le lit majeur, et l’on t’appelle…

Straßburg.

Et l’on t’appelle…

Strasbourg.

Mais Attila est passé depuis mille ans quand on imprime sur une estampe ton petit nom, le nom qui a dérivé dans les bouches muettes comme l’eau sous les ponts, et qui éclaire les ombres que la nuit allumée bombe sur tes berges, au bord d’une sage rivière.

Touche-moi la langue…

Argentine…

Dis-le moi à l’oreille…

Argentine…

 

 

Raphaël Heyer au Standard Café Lausanne - 17/11/2010

Le Mercredi 17 novembre 2010, 21h,

3 rue de la Grotte à Lausanne,

le Standard Café et son mythique caveau accueillent la poésie de Raphaël Heyer et les cinq comédiens qui s'en feront les passeurs.

Les cinq convives-voix sont Julien Alambik, Koraline de Baere, Catherine Delmar, Claire Deutsch et Adrian Filip, tous issus ou encore étudiants à la Manufacture-HETSR. Trois projections de poèmétrages seront également au programme. Et celles et ceux qui viendront voir ce qui se trame dans cette "grotte" devraient ne pas oublier de sitôt cette soirée poétique mise en espace par l'auteur...

Entrée libre.

 

Novembre 2010 au Standard Café

Contact : lisa@standardprod.ch

A la mémoire de Christophe Bertrand.

À la mémoire de Christophe Bertrand.

 

Chaque jour commence par un coup de théâtre

Et pourtant le décor depuis toujours est planté :

L’infini, l’infini – et quelques poussières dans la nuit

Jusqu’à ton grain de peau que la lumière saisit.

 

Est-ce l’immensité qui t’hallucine ?

Ou bien hallucines-tu sa rigueur vertigineuse 

Dès que le souffle vient te creuser

A l’intérieur du sang ? Et entends-moi :

 

Ne vois-tu pas l’esprit bondir ?

Ne sens-tu pas l’âme de tout cela ?

Cet esprit, cette âme, plus intérieurs

Que l’intime, et le corps à l’intérieur 

            Passionné à l’extrême ?

 

Ils sont le silence que tu respires

La musique que tu transpires

La langue qui te parle

L’image qui te hante.

 

Et ainsi tous les matins

Le premier signe d’éveil

Qui parcourt la chambre

Remonte ton regard

            Pour l’éternité.

 

 


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